Y aurait-il un activisme climatique «objectif » dans une zone de guerre ?
Written by Belgahay on 26 décembre 2022
Aris Nalci, Artigerçek, 23 Décembre 2022
Mes lecteurs et followers connaissent mes réflexions sur le militantisme écologique. Ces derniers temps, comme pour tout le reste, je pense qu’il n’en faudra pas beaucoup pour que les États le vident de sa substance et l’utilisent pour servir leurs desseins politiques et économiques. Ce n’est qu’une question de temps.
Bien sûr, cela ne signifie pas que chaque action écologique n’est qu’un outil à l’usage de la politique. Je pense qu’il est nécessaire de regarder le pouvoir derrière chaque action. Pour exemple, si l’argent va dans les poches des gangs qui obtiennent des contrats d’un gouvernement tel que celui de la Turquie lorsqu’ils abattent des forêts entières, protester équivaut effectivement à défendre la nature. Alors comment peut-il y avoir une éco-action à laquelle les habitants ne participent pas ?
Est-ce possible?
Ils expliquent que « le public devait être sensibilisé, des réunions locales d’information ont eu lieu ». Comment croire à la véracité de telles affirmation et à la neutralité de ces militants écologistes dans un contexte de guerre?
Le corridor de Latchin, le seul corridor reliant le Karabakh à l’Arménie, est fermé par des « militants écologistes » azerbaïdjanais depuis deux semaines. Ils ont poussé l’”idéalisme” jusqu’à installer des tentes sur la route.
Des manifestations où étaient brandies des pancartes sur lesquelles nous pouvions lire « Nous sommes venus pour la paix » se sont déroulées sur la route, ces mêmes mains brandissant des pancartes de paix, brandirent des colombes…. mortes. Je reviendrai sur cette histoire de colombe tuée dans un instant car elle me semble très significative.
Mais d’abord.
POURQUOI LA ROUTE EST-ELLE FERMEE ?
Il y a une mine du côté Karabakh du couloir de Latchin. Cette mine offre des opportunités d’emploi à environ 1800 familles du Karabakh. Ce sont des mines d’or et de cuivre.
L’Azerbaïdjan affirme que ces mines se trouvent sur son territoire et qu’elles sont donc exploitées illégalement. Comme le statut du Karabakh n’a pas encore été défini par un accord tripartite, il n’y a pas de « réponse » à cette demande pour le moment.
L’Azerbaïdjan ne peut exploiter les mines que dans les lieux qui lui sont restitués. Il affirme que ce qui est extrait des mines ici crée une pollution environnementale.
Pour leur part, les responsables du Karabakh, disent que bien qu’ils aient déjà soumis des rapports d’inspection fournis par des organisations internationales, les autorités azerbaïdjanaises ne leur répondent pas.
Vous vous demandez pourquoi?
Parce que l’Azerbaïdjan ne reconnaît pas le Karabakh et ses officiels. Par conséquent, même un rapport international envoyé de leur part est ignoré.
Le but ici est de saper le travail du plus grand employeur du Karabakh et de stopper ses principales sources de revenus. Cette société est également l’une des sociétés payant le plus d’impôts au Karabakh.
En d’autres termes, l’État azerbaïdjanais pense qu’elle doit lui verser la prochaine taxe au lieu de la verser à l’État du Karabakh, qu’il ne reconnait pas. Afin de résoudre ce problème de décalage de communication, il est nécessaire de définir le statut du Karabakh. Il doit être clair de déterminer qui parle à qui. Mais personne n’est encore arrivé à ce constat.
OÙ EST « L’ÉCO-ACTIVISME » LÀ-DESSOUS ?
Savez-vous pourquoi j’ai mis ‘eco activiste’ entre guillemets ci-dessus ? Parce que les « éco-militants » qui ont dressé des tentes dans le couloir de Latchin et manifesté dès le premier jour avec des banderoles à la main et autour du cou; de vraies fourrures, faites de vraies peaux d’animaux; révélaient ainsi qui ils étaient en réalité.
La Fondation Tatoyan, qui s’engage également à vérifier les informations, a retrouvé chacune de ces personnes, et en a divulgé les comptes et noms sur les réseaux sociaux. Je ne ferai pas ça ici. Mais je vais donner des exemples. Si vous voulez les noms de ces personnes et voir les messages dégoûtants sur ces comptes de médias sociaux et ennemis du peuple arménien, je laisse le lien ici (Cf l’article original).
CEUX QUI TUENT LES COLOMBES ET DEMANDENT LA PAIX
Certains de ces militants ont servi dans l’armée azerbaïdjanaise. Certains d’entre eux sont ceux qui servent sous couvert d’une organisation environnementale placée sous la direction directe de l’épouse d’Aliyev. Certains d’entre eux seraient liés à l’Ülkü Ocakları (Foyers idéalistes ultra-nationalistes turcs – Loups gris) sur leurs comptes de réseaux sociaux.
La « demande de paix » menaçante que nous apporte cette trilogie
est, bien sûr, ambivalente.
Même effrayante.
Alors qu’elle s’apprêtait à relâcher l’une des colombes amenés dans le couloir de Latchin, une « éco-militante » vêtue d’un manteau de fourrure, parlant avec un micro dans une main, s’est tellement excitée qu’elle n’a pas pu s’empêcher de briser le cou de la colombe pendant sa harangue.
C’est une représentation ironique de ce qui se passe entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Une colombe anxieuse dans sa main. Elle volera bientôt.
Une propagandiste de guerre qui veut la paix…
Agitant cette colombe morte, elle réclame la paix…
Après avoir dit ce qu’elle voulait, elle a jeté la colombe morte en l’air. Laquelle colombe est bien sûr retombée au sol telle quelle.
Maintenant, en tant qu’Arménien, permettez-moi de vous demander, comment pensez-vous que puisse se sentir un citoyen du Karabakh qui attend de part et d’autre de cette route. Si vous n’êtes pas membre d’une minorité, vous n’y pensez peut-être pas. Je vais vous donner une idée. « Serrez-moi la gorge comme elle a serré celle de la colombe. Ils nous tueront et nous jetteront en l’air et diront ensuite que la paix est conclue. Il n’y aura plus de colombes dans cette région, et il n’y aura pas non plus d’Arméniens ».
Est-ce exagéré?
« Ne bouge pas. Ta fin est très proche. »
Regardez la photo (sur l’article original) de Telman Qasimov, l’un de ceux qui ont participé à la manifestation et l’ont dirigée. Il a placé le logo « Ülkü Ocakları » sur son uniforme militaire sur ses comptes de réseaux sociaux.
Qu’à cela ne tienne, il a partagé ses photos avec Ramil Saferov.
Qui est Ramil Safarov ? Laissez-moi vous le rappeler :
Ramil Safarov est un officier azerbaïdjanais qui a été condamné à la réclusion à perpétuité pour avoir tué avec une hache le soldat arménien Gourgen Markaryan qui était de service au même endroit à Budapest, où il étudiait dans le cadre du programme Partenariat pour la paix de l’OTAN. Budapest l’a ensuite extradé vers les tribunaux fiables et justes d’Azerbaïdjan, et Safarov est sorti de ce tribunal en héros.
Désormais, ceux qui sont photographiés avec lui sont des « écoactivistes ».
Remarque : Pendant que tout cela se passe, il n’y a pas de clic de «médias alternatifs » en Turquie. Tout le monde copie les nouvelles des AA (Agence de l’État de Turquie, Anadolu Agency). Calcul de « table à six » ? Cela m’a fait mal aussi. Je ne m’empêcherai pas de le dire.
Traduit par Herman Akdag – Professeur émérite à l’Université Paris 8 Vincennes – Saint-Denis