[Radio France] L’Arménie lutte pour le maintien de ses frontières, sans soutien russe

Le village frontalier de Serachen se situe au sud-est du pays. Depuis novembre 2020, à quelques centaines de mètres, les Azerbaïdjanais, soutenus par la Turquie, ont repris le contrôle de la vallée. Sergueï, un habitant du village en treillis militaire, montre du doigt les positions de l’ennemi : « Tous les jours ils nous tirent dessus, tous les soirs. Quand ça les prend, ça les amuse, ils tirent sur le village« .

À la mi-septembre, le village a été la cible d’une violente attaque. Harut, 11 ans, était dehors… sous le drapeau arménien rouge, bleu, orange, hissé par les habitants, au-dessus d’abris de fortune, faits de sacs de sables, de pneus et de planches : « Quand ça a commencé à tirer, j’étais là, avec mon père. Il était armé… il était sur son tracteur. On avait déjà commencé à creuser ces tranchées. Je jouais avec un copain… Et ils ont lancé une roquette, juste là, ici. Elle a explosé. Deux personnes sont parties dans le refuge, très vite, et on y est restés toute la nuit. Toute la nuit, ça a tiré.« 

6500 morts en 2020, tués par la guerre

Des tirs qui rappellent à Sergueï de douloureux souvenirs. En 2020, la guerre a fait 6500 morts des deux côtés. « Beaucoup de nos soldats sont morts là-bas. Vous auriez dû venir plus tôt, vous auriez vu ce qu’ils ont fait, comment ils ont agi ici, les atrocités commises. T’es Arménien, t’es soldat, c’est foutu pour toi, tu n’es plus un être humain. Ils ont commis des tortures, des humiliations de toutes sortes« , relate-t-il.

Soixante kilomètres au nord, le village de Shurnukh est coupé en deux depuis 2 ans. Les Azerbaïdjanais vivent de leur côté, sans qu’on ne voie jamais leurs visages, dit Arnold, 67 ans : « Je n’ai aucune envie que mes enfants, mes petits-enfants, restent ici et connaissent le même destin que moi, Je ne veux pas… Mais je pense qu’il y aura une autre guerre… parce quand on voit le discours d’Aliev… le président de l’Azerbaïdjan, et comment parlent les autres ! La situation est telle qu’il est impossible de dire qu’on va vers la paix« .

L’absence de réaction de Moscou en question

En 2020, un accord de cessez-le feu avait été signé, sous l’égide de la Russie… Mais alors que Moscou et Erevan sont liés par un accord militaire… Cette fois, Moscou n’a pas réagi, dénonce Armen Grigorian, secrétaire général du Conseil de Sécurité arménien : « On attendait de la Russie qu’elle nous protège de cette attaque de l’Azerbaïdjan. Quand cette agression de grande ampleur a eu lieu, les 13 et 14 septembre… un conseil exceptionnel de sécurité a été convoqué par le premier ministre et nous avons pris la décision de nous tourner d’abord vers la Russie, en vertu de l’accord qui lie nos deux pays. Mais, encore aujourd’hui, on continue à attendre ce soutien.« 

A défaut de la Russie, les Etats-Unis, l’Union européenne, et la France en particulier, tentent de jouer les médiateurs pour la paix. « L’Arménie a obtenu trop peu de garanties pour son partenariat avec la Russie« , analyse Richard Giragossian, directeur du groupe de réflexion Regional Studies Center, basé à Erevan. « Et la Russie – c’est mon avis- a fait une grave erreur, pêchant par arrogance en pensant que le pays lui était acquis. Par conséquent, l’Arménie cherche simplement d’autres options, et de nouvelles marges de manœuvre.« 

Avec un avantage, ajoute ce spécialiste : la légitimité d’un gouvernement élu démocratiquement… qui n’a plus peur de dire aujourd’hui que la Russie n’est plus un partenaire fiable.